
Perma G’Rennes, la première ferme urbaine à Rennes
publié sur Unidivers.fr
« La permaculture ce sont d’abord des principes en agro-écologie et en agriculture biologique. C’est une méthode de conception. Il s’agit de penser comment on aménage le lieu en s’inspirant du fonctionnement de la nature et des écosystèmes sauvages ». En 2016, la première micro-ferme en permaculture de la Ville de Rennes a vu le jour sur les anciennes friches de La Prévalaye. Soizic, ancienne professeure d’EPS et globe trotteuse s’est reconvertie au maraîchage bio depuis 2014 et a rejoint Mika, paysan-naturaliste depuis 15 ans, qui anime parallèlement des émissions de radio sur les alternatives et l’écologie à Canal B.
Qu’est-ce qui vous a mené tous les deux à vous intéresser à la permaculture ?
Mikaël Hardy : J’ai travaillé plus de dix ans dans les milieux naturalistes (études et protection de la nature). J’étais passionné de jardinage, à l’école de l’association Terre Vivante… J’avais des références déjà très proches de la permaculture. Quand j’avais 20 ans, j’ai découvert un livre sur Bill Mollison et c’est comme ça que je me suis intéressé à la permaculture. J’avais déjà une approche très proche de la permaculture de par mon orientation plutôt naturaliste. J’ai abandonné le milieu naturaliste car je me sentais trop passif par rapport à tout ce que j’observais, l’effondrement de la biodiversité. Cela faisait des années que j’étais observateur de tout cela. Dans ces métiers, nous avons le rôle de dire : « comment faire et ne pas faire ». Je me suis senti complètement démuni dans mon rôle et j’ai voulu être acteur, montrer que c’est possible.
Pour Soizic, c’est plutôt une réorientation professionnelle, elle était professeure de sport. C’était plutôt un ras-le-bol de la société et l’envie d’être actrice dans la protection de l’environnement qui l’a poussée à s’intéresser à la permaculture. C’est en faisant un stage à la ferme qu’elle a découvert la permaculture et qu’elle a choisi de s’installer avec moi ensuite.

Quelles sont les activités principales de Perma G’Rennes ?
Mikaël Hardy : L’activité principale est la culture de légumes biologiques donc une activité maraîchère. Je suis autonome en semences c’est à dire que je produis mes semences et je les distribue autour de Rennes pour des jardiniers amateurs ou des maraîchers. Cela fait quinze ans que je multiplie des semences pour les habituer au réchauffement climatique ou tout simplement au terroir local du pays de Rennes. Il y a une activité pépinière pour vendre des plants car nous n’avons pas le droit de vendre des semences quand on est paysan. Je vends des plants à partir de mes semences. Sinon je fais des animations pour apprendre aux gens à produire leurs graines ou à faire de la permaculture. Ces animations sont payantes et à la fin de la journée je donne un sachet de graines aux participants, ce qui me permet de distribuer des graines légalement.
Globalement sur la ferme, j’ai recrée plein d’écosystèmes différents, plein d’outils pour que les plantes soient les plus autonomes possibles. Cela ne veut pas dire que l’on ne fait rien mais par contre elles sont dans leurs parfaites conditions. Par exemple, les tomates et les poireaux ne vivent pas dans le même écosystème à l’état sauvage et donc il faut construire des micro-systèmes, des micro-climats pour pouvoir ne pas avoir de problème de maladies… La preuve, je n’ai pas eu de maladies du tout sur les poireaux cette année alors que tous les maraîchers sur toute la Bretagne étaient complètement envahis de parasites.

Comment faites-vous pour pratiquer le « zéro déchet » ?
Mikaël Hardy : Je n’achète rien avec des déchets. Les seules choses que j’achète avec des déchets sont des sacs de terreaux pour la pépinière. Je ne peux pas utiliser la terre du jardin pour la pépinière sinon au bout d’un moment je n’en aurais plus. J’achète des sacs de terreaux ; c’est le seul déchet qui est produit sur la ferme car je fais beaucoup de récupérations. Les petits pots plastiques pour la pépinière sont récupérés dans les villes et les communes qui font des plantations et jettent ensuite les godets. Je leur demande en amont et fais la tournée pour les récupérer. Je récupère également plein de déchets de l’industrie agroalimentaire pour les utiliser et ne pas avoir besoin d’acheter tout le temps. Nous récupérons beaucoup de choses : des petits pots plastiques pour la pépinière, des cagettes plastiques d’une usine qui met des légumes en conserves, du bois de charpente de charpentiers qui habitent à côté avec lequel nous avons construit le poulailler … C’est le principe de participer au réemploi des choses, pour être moteur et ne pas produire de déchets. Il n’y a pas de légumes invendus non plus. Les légumes qui ne sont pas vendus sur le marchés sont transformés en pickles, par exemple. Ce sont des légumes transformés à la manière des cornichons mais en sucré pour pouvoir faire des légumes pour l’apéro, par exemple. Il n’y a pas de déchets et l’objectif maintenant est d’arriver au zéro carbone.

Nous avons lancé un crowdfunding qui se finit dans dix jours pour faire participer les gens à notre projet d’acquisition de deux prototypes de remorques pour pouvoir aller faire le marché à vélo, les livraisons et le trajet entre la maison et la ferme car nous n’habitons par sur place. Nous voulons arrêter le diesel et en plus de cela construire des tracteurs à poule qui sont des cages mobiles qui vont permettre de remplacer la tondeuse. Dans ces cages nous allons mettre des lapins et des poules qui picoreront l’herbe des allées. Il n’y aura pas besoin de passer la tondeuse. D’ici juin, nous souhaitons ne plus utiliser d’énergies fossiles. Ce n’est pas pour frimer mais c’est comme sur le principe du colibri : « faire sa petite goutte d’eau ». C’est simple pour nous, nous pouvons le faire. Nous avons besoin de soutiens car le prototype coûte cher, nous avons 15 000 euros de budgets. Ce prototype va être fabriqué par une petite entreprise locale à Rennes qui s’appelle Toutenvélo. A partir de notre projet, ils vont pouvoir diffuser ce genre de matériel à beaucoup moins cher. Il y a trois mois de fabrication pour pouvoir arriver à quelque chose d’optimal pour nous.
Vous avez-aussi le projet d’un tunnel mobile, pouvez-vous nous l’expliquer ?
Mikaël Hardy : Le challenge est d’avoir une serre qui change de place tous les ans avec un système de rails. C’est un prototype innovant car cela ne se vend pas sur le marché. Quelques maraîchers en ont fait mais ce n’est pas encore au point. Nous avons trouvé le modèle le plus pratique à installer, le moins dommageable pour l’environnement car il n’y a pas de fondations. C’est un système de rails qui est posé au sol et non pas fixé. Le tunnel va pouvoir changer de parcelles tous les ans sur ces rails. Cela va permettre de faire des rotations. Ce qui pose problème pour le maraîchage bio c’est que tous les ans, nous allons cultiver nos tomates au même endroit et au bout d’un moment, il va y avoir des problèmes de maladies. Le principe de base c’est la rotation. Il s’agit de succéder plusieurs cultures d’années en années pour éviter de superposer tous les ans la même culture. Ce sera un projet que nous allons relancer l’an prochain. Nous n’avons pas pu le financer. Nous avions participé à un concours auquel le projet n’a pas été retenu. Nous voulons monter ce projet là pour l’an prochain. Nous jouons le jeu de la ferme expérimentale car nous sommes une toute petite ferme installée en ville ce qui n’est pas commun et nous sommes totalement autonomes en financement. Nous n’avons pas d’emprunts, de subventions hormis le financement participatif. Nous pouvons nous permettre, grâce à cela, de prendre le temps de faire les choses et d’expérimenter. Notre projet est déjà viable en autosuffisance. Nous arrivons à produire des légumes et nous devrions pouvoir tirer deux revenus à la fin de l’année. Sur 5000m² c’est pas mal.

Quand je suis arrivé à Rennes c’était dans l’idée de m’installer sur une terre de la ville puisque dans une ville il y a beaucoup de zones en friches. Nous avons travaillé pendant trois ans dans la ville de Rennes pour les convaincre que c’était possible d’installer des fermes en ville. Nous avons monté tout un projet pour leur démontrer que c’était possible. En juin 2016, la ville de Rennes m’a prêté un terrain. C’est un prêt d’usage. La ville prête le terrain pour expérimenter un projet de ferme. Ils ont été très emballés par le résultat et veulent installer d’autres fermes partout en ville. La ville nous prête le terrain mais ce n’est pas un gros bénéfice puisque si on louait le terrain cela ne nous coûterait même pas 100 euros par an de location. Nous sommes exploitants agricoles avec deux statuts différents sur la ferme et deux entreprises. Soizic a son entreprise et moi aussi. Nous faisons tout ensemble. Nous vendons ensemble et à la fin de l’année nous partageons les charges et les bénéfices. C’est plus simple d’être autonome plutôt que de construire une société. Il n’y a pas de bénévoles, nous n’avons pas le droit. Nous organisons des formations. Il y a une école de permaculture qui nous a permis d’accueillir 15 personnes sur la ferme. Ils viennent toutes les semaines et ont des cours théorique et sur le terrain pour apprendre la permaculture. Ils ne sont pas là pour aider mais pour apprendre.
Alizée Le Diot
Campagne de financement participatif de Perma G’Rennes : ici